Le conte : un miroir sensible entre humains et Vivant
- L'ESSENTIEL EDUC
- 25 mars
- 6 min de lecture

Depuis la nuit des temps, le conte tisse des liens invisibles entre les humains et le monde qui les entoure. À travers l’art de l’oralité, il donne vie aux récits, aux symboles et aux émotions, nous offrant une autre manière de percevoir le Vivant.
Dans cet article, je vous invite à explorer comment le conte, au-delà de ses histoires, rend un hommage discret, mais puissant à la nature, aux animaux, et à la relation que nous entretenons avec eux.
En puisant dans les traditions orales, ces récits nous rappellent combien nos destins sont liés.
I-Un festival de contes
La raison est simple, ce qui m’amène à parler du conte ; participant en tant que spectatrice à des soirées contées pour plusieurs rendez-vous magiques avec l’inconnu, le mystérieux, l’aventure, la vie.
Au début, ce fut une aventure, cela parle des « hommes et des bêtes » ; ce lien qui se raconte dans de nombreuses cultures, sous la forme du conte.
« Les hommes et les bêtes » on pourrait penser que cela rend les animaux inférieurs par rapport à l’humain. Eh bien, figurez-vous, c’est plutôt le contraire, en entendant les histoires.
En effet, lors des histoires contées, les animaux prennent le rôle tour à tour métaphorique, de figures amicales, de spontanéité, de métamorphose et un bout d’anthropomorphisme (1), d’humains à « bêtes ».
Dans ces histoires contées, on s’en fiche, que les émotions humaines ressemblent aux animaux.
II- L'idiot au grand cœur : quand la bonté façonne le destin.
Le conte nous emmène au cœur d’un idiot avec du cœur et une bonté inégalée. Premier conte qui, d’emblée, nous attache à ce personnage, forcément moqué. « Benjamin l’idiot » sonne comme un couperet ; peut-être, parce que personne n’a pu lire dans son âme. J’ai davantage ressenti que c’était un bon gars qui se retrouvait dans une situation cocasse.
Alors, quel est le lien avec le vivant, comment le conte rend hommage à ce lien humain-animal ?
Il suffit d’une rencontre pour changer le sens de l’histoire ! La sorcière lui transmet en échange d’un don reçu de « Benjamin l’idiot » un cadeau qui changera tout ! Une oie cendrée dorée, magnifique avec un plumage resplendissant. Il la porte près de son cœur comme un « doudou » tout du long de son aventure.
Le quiproquo tourne la situation en comique, car si on touche l’oie, on se retrouve collé à elle. Donc, forcément, péripéties et comique de situation touche l’écriture de ce conte. Les images de cette situation cocasse, et hors du commun, rendent les scènes magistralement comiques. Ah oui, « Benjamin l’idiot » avait pour quête de faire rire la princesse. Je vous laisse imaginer la suite…
III-Le paon et le poids des mots : une quête identitaire
L’histoire qui nous a été conté, est celle d’un paon obtus, en crise, face à son appellation. « Pourquoi devrais-je continuer de m’appeler Paon ? Paon, ça fait « pan », « Pan, on te tire dessus ». Rien de réjouissant, en somme…
Dans une crise existentielle, il demande à ce qu’on l’appelle (un nom approximatif de mémoire) « Belle plume dès le lever du jour » au sein de la basse-cour.
Offuscation et rechignement, pour enfin accepter et répéter ce changement de prénom devenu à rallonge. Mais, un jour renard vient ; le chef de la basse-cour appelle « Dinde », « Dindon », « poule » pour qu’ils puissent se protéger du prédateur.
Trop long à prononcer, ce nom à rallonge. Trop long, pour pouvoir le secourir, afin qu'il échappe aux griffes du renard.
IV-L'analogie avec le monde des humains

Ces contes montrent une richesse assez évidente avec le monde des humains.
Et encore, je ne vous ai pas raconté l’histoire du phoque qui voulait se marier avec une princesse des terres. Bien entendu, il a reçu moqueries et blessures. La troisième maison accepta de lui ouvrir le cœur et l’âme. L’animal marin et la princesse échangèrent longtemps. Elle accepta de l’épouser.
Un jour, il lui dit qu’il devait s’en aller ; c’est ce qu’il fît. Alors, la princesse essuya des moqueries par le village entier ; cependant, elle s’en fichait de ce que pouvait raconter les gens.
Lorsqu’un jour, débarqua un jeune homme, qui sonna à sa porte. Elle savait qu’il reviendrait.
« Tu m’as reconnu ? »
« Bien entendu, je savais que tu reviendrais »
V- L'animal mis en avant
L’animal est mis en avant dans les contes ; on oublie un instant la triste réalité de leur sort.
L’histoire avec le phoque m’a rappelé le combat courageux de Brigitte Bardot, en lâchant le cinéma alors qu’elle était de notoriété publique.
Il fallait une dose de courage incroyable malgré la moquerie qu'elle a subie à l'époque. Et aussi cela montrait que le cinéma pouvait apporter les paillettes, mais l’engagement qu’elle a entrepris depuis des années, a une valeur plus forte.
On oublie un instant la triste réalité des oies et le gavage incessant au nom du foie gras.
L’oie est mise en avant, la rendant plus belle dans son costume d’être vivant. Qui est d'ailleurs honoré dans un lien de cœur à cœur, d’âme à âme entre deux êtres aux cœurs purs.
On oublie, un instant, que la crise identitaire nourrit l’individu ; qu’à certains seuils de nos existences, on a envie de tout se débarrasser. On change de peau, comme une nouvelle mue. Nos choix et nos décisions peuvent nous amener sur de nouveaux chemins, avec de nouvelles possibilités.
Souhaite-t-on changer d’identité en changeant de prénom ? Souhaite-t-il modifier sa nature profonde, c’est-à-dire lutter contre ses pulsions et l’entièreté de son être ? Est-ce le prénom qui fait l'identité ? Ces contes révèlent le choix de l'individu, à chaque instant. Chacune de nos décisions impactent nos vies ; il n'y en a pas de bonnes ou de mauvaises.
VI-Le lien humain-animal avant tout
Les contes ont l’avantage d’offrir un instant de rêve, d’évasion, et d’histoires colorées au goût du conteur.

Car, avant tout, un conteur raconte avec ses tripes, son cœur, son âme. Ce sont ses images qui lui appartiennent, et ils nous les offrent gratuitement comme un cadeau.
Les contes nous relient étroitement dans des histoires qui restent et demeurent gravés, une fois qu’on les entend.
Les contes relient à nos sens, demandent une écoute active à 1000 %. (2)
Ils ont l’avantage d’offrir du vivant, au vivant, comme un vibrant hommage à la vie, à la nature et aux cycles de la vie.
Conclusion
Les animaux sont souvent relégués à l’arrière-plan de nos préoccupations, alors qu’ils partagent nos histoires, nos traditions. À travers le conte, ils deviennent des figures centrales, porteuses de sens, de symboles et d’émotions.
Le temps d’une histoire, la magie opère : les animaux ne sont plus simplement des êtres de chair et de sang, mais des compagnons de sagesse, des guides, des reflets de notre humanité. Ces récits oraux, transmis de génération en génération, tissent un lien profond entre l’humain et le vivant, nous rappelant notre place au sein du grand cycle de la nature.
Les contes, en honorant la vie et ses multiples formes, nous offrent un instant suspendu où tout devient possible : la compréhension, l’empathie et peut-être même un changement de regard sur ceux qui nous entourent.
Julie Caillaux
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1 ) L’anthropomorphisme est le fait d’attribuer des caractéristiques, des émotions ou des comportements humains à des animaux, des objets. Dans les contes, il est fréquent que les animaux parlent, réfléchissent ou ressentent des émotions comme les humains. Cela permet de rendre le récit plus accessible et symbolique, en faisant des animaux des figures porteuses de messages et de leçons de vie.
2) L’écoute active : est une manière d’écouter avec attention et engagement, en cherchant à comprendre pleinement l’autre sans interrompre ni juger. Cela implique de reformuler, poser des questions et montrer par des signes verbaux et non verbaux que l’on est réellement attentif.
Dans le cadre du conte, l’écoute active permet de s’immerger dans l’histoire, et d’en ressentir toute l’émotion transmise par le conteur.
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